mercredi 28 janvier 2015

PIERRE (Pierre Sallaberry)

Pierre est mort hier d'un cancer du pancréas à 67 ans ; tout le monde aimait Pierre ; c'était un champion de pelote basque, il était doux et gentil ; pourtant  pour vaincre à la pelote, comme ailleurs il faut être un guerrier ; c'était un guerrier doux et rieur.
J'avais vingt ans quand la famille a acheté une maison à retaper à Mendionde au Pays basque à cent cinquante mètres du fronton ; Pierre était notre voisin. La première fois que je l'ai vu jouer c'est lors de la fête du village. La fête dure plusieurs jours ; chaque jour vers cinq heures, une partie de pelote ; tenue blanche ; la lumière venant du côté d'Ursuya faisait alors de cet endroit, un coin de paradis.

Je l'admirais parce que je trouvais que c'était le seul qui animait un jeu, assez facilement monotone car épreuve de force et de résistance plus que de vivacité et de ruse. Il me donnait l'impression, je sais pas... de glisser ;  une fluidité, c'est l'image qu'il me donnait, il glissait dans ses déplacements.

C'était l'époque où j'étais fou de photo ; je m'étais fait plaisir à le photographier sur le fronton, dans ses belles postures de pelotari. Je ne l'ai pratiquement plus revu à partir du moment où je suis parti travailler à Lyon ; il est devenu un grand champion.

J'ai un super souvenir de Pierre : à une époque, le dimanche après midi, tout le monde se retrouvait au fronton : enfants, jeunes, quelques parents, des anciens... ce jour là Pierre était là, c'était génial. On jouait à la "porta" ; on limitait le terrain en profondeur (comme fond on utilisait la première ligne de l'engagement c'est à dire à huit mètres environ, ce qui fait un petit terrain, valable même pour les gamins) ; la règle est simple, tout le monde joue ; renvoie la balle celui qui l'a devant lui ; celui qui la manque ou la sort des limites, à la porte, il est éliminé. A la fin il ne reste plus que deux joueurs à s'affronter ; celui qui gagne a une "vie" pour la partie suivante. Ce que je trouvais bien dans cette porta c'est que personne n'essayait d'éliminer les autres ; c'est vécu comme une jeu de survie ;  on ne cogne pas, on est pas éliminé c'est tout. C'est dans le jeu qu'on est bien, avec les autres. C'est bon enfant.

Me voilà à vingt ans dans cette joyeuse troupe ; je sais jouer à la pelote ; c'était notre jeu de récréation à l'école pendant des années ; nous on jouait avec une balle de tennis pelée ; ici c'est une vraie pelote qui fait mal à la main du bordelais que je suis malgré l'entrainement que je me suis infligé.

Je m'applique pour ne pas être éliminé et une partie, me voilà en finale avec Pierre ; évidemment je lui fais des coups vachards ; ça le fait rire, il ramène tout, sans riposter, il joue avec moi ; dans ma précipitation, je manque la balle.... au lieu de faire durer ; imbécile de bordelais ; aujourd'hui Pierre je la ferais durer une éternité cette balle si je pouvais.

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